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HOMMAGE RENDU A MICHEL ET DIANE SENEZ

2 juillet 2011 - cimetière de Moncheaux (Nord)

 

 

 

SENEZ-MONTREAL.jpg 

 

 Michel SENEZ

 

  SENEZ obsèques

    M. le Vice-Président de la Communauté Urbaine;

    M. le Président des Anciens Combattants;

    Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités, et particulièrement la famille et les proches de Diane et Michel SENEZ;

  

    Lorsqu’il s’est senti affaibli au point de s’attendre à une fin prochaine, Michel SENEZ m’a demandé deux choses:

 

    La première, avec l’aide de Marie-Hélène, qu’un orchestre de jazz précédât son cortège, comme l’on fait dans les enterrements d’Harlem, « pour que ce soit joyeux », m’a-t-il dit. Merci, Messieurs, d’exaucer son vœu.

 

    La seconde chose qu’il m’ait demandé est celle que je vais tenter devant vous «  tu sais faire », m‘a-t-il dit », même s’il est difficile de le faire joyeusement comme il le désirait.

 

    Diane et Michel SENEZ, s’ils ne voulaient pas de cérémonie religieuse, croyaient fermement en l’au-delà. « Où je serai, je veillerai sur chacun de vous », disait Diane. « A chaque fois que tu auras un petit bonheur, tu te souviendras de moi », me disait Michel il y a quelques jours.

 

 

    Alors, faisons comme s’ils étaient là, qui nous écoutent; puisqu’ils sont là, qui nous écoutent, dans la pièce à côté, parlons-leur une dernière fois, tentons d’être joyeux, comme ils le voulaient.

 

 

    Disons d’abord à Michel qu’il était quand même un sacré emmerdeur. Je l’ai connu j’avais un peu plus de 20 ans, j’étais jeune militant des Radicaux de Gauche. Michel était à l’époque Conseiller Municipal Délégué à Seclin, et je remercie Jacques MUTEZ, Président de la Fédération du Nord des Radicaux de Gauche de sa présence, que Michel espérait. Je le voyais peu, mais à chaque fois qu’il venait en réunion, il gueulait. Il gueulait contre un complot, qui avait eu lieu, qui avait lieu, qui aurait lieu; il gueulait toujours. Il impressionnait, toujours impeccablement habillé, souvent en blazer à écusson et à boutons dorés, et je me souviens des années plus tard d’une promenade hallucinante en Rolls-Royce dans les routes du Gers, sous un soleil accablant, où Michel n’enlevait son blazer que dans la fraîcheur des églises, après s’être assuré qu’il n’y avait aucun fidèle, pour le remettre aussitôt dès la sortie, sous une chaleur écrasante. »

 

 

    Lorsqu’il y a 15 ans je suis devenu notaire, Michel m’a confié ses dossiers. Il gueulait toujours. « Monsieur SENEZ a téléphoné », disait ma secrétaire. « Il a crié? » « Comme d’habitude ». Chaque rendez-vous était un champ de bataille, où Michel déplaçait ses pions comme des petits soldats de plomb sur la carte des opérations. Par où entrer, où s’asseoir, quand s’asseoir, quand donner un document, où le poser pour pouvoir le reprendre et s’enfuir en courant si d’aventure on ne lui donnait pas ce qu’on devait lui remettre. « S’il dit cela, qu’est-ce que je fais? » « S’il fait cela, qu’est-ce que je dis? » On vivait avec Michel dans un univers parallèle, celui des petits matins brumeux, sur les ponts, dans le Berlin de la guerre froide.

 

 

    C’est le seul client, en 20 ans de notariat, qui m’ayant confié un dossier et m’invitant à dîner après sa conclusion m’ait dit tranquillement pendant le plat: « tu sais, avant de te confier le dossier, j’ai voulu m’assurer que tu était toujours propre, j’ai fait sortir ton dossier ».

 

 

    Il y a 3 ans, on a annoncé à Michel qu’il était malade, qu’il fallait l’opérer rapidement, faute de quoi on lui annonçait une fin prochaine. Il n’en a rien cru: « les médecins sont des cons, il vont me tuer, ou me rendre impotent ». Il a pris une voiture, s’est saisi de Diane, et ils ont roulé vers le Sénégal. Il a manqué de mourir en route, mais ils sont arrivés joyeux, heureux, libres, heureux du tour joué à la Camarde. « J’ai tiré trois ans, j’ai bien vécu, j’ai eu une belle vie, j’ai fait ce que j’ai voulu » me disait Michel il y a quelques jours.

 

 

    Diane à côté de lui écoutait et ne disait rien, souriant mi-douce mi-acide, avant de lâcher tout à coup une vacherie; si la vacherie tombait sur Michel, il avait un sourire d’enfant, d’enfant insupportable, mais qui sait qu’on l’aime.

 

 

    L’autre jour, alors que nous avions une conversation dont nous savions qu’elle serait sans doute la dernière, nous ne savions comment terminer, son débit se ralentissait, il ne trouvait pas les mots, un silence imperceptible s’installait, et tout à coup, la voix de Diane, derrière, fort, pour que je l’entende, « ne lui dis pas à bientôt !»

 

 

    Diane ne voulait pas lui survivre. A chaque fois qu’elle en parlait pendant sa maladie, elle disait « il y a trop de cons sur terre ». Un jour que je tentais prudemment de la dissuader, de lui dire qu’il était difficile de mourir, elle m’a répondu lapidaire « alors tu n’aimes pas; si tu aimais, tu comprendrais ». Ne les jugeons pas; ils sont partis libres.

 

 

    Lorsque nous terminions un rendez-vous, lorsque nous préparions un rendez-vous avec Michel, après avoir envisagé toutes les solutions, toutes les hypothèses, tous les complots; il y avait toujours un magistrat, un policier, un avocat, un notaire, un journaliste qu’on avait acheté, qu’on tenait par une histoire de mœurs; lorsqu’on avait tout envisagé, et que Michel avait fini par s’embrouiller lui-même parmi tous ces fils, il me disait: « qu’est-ce qu’on fait? » On faisait simple, c’était moins poétique, mais tellement plus pratique. Alors, un peu déçu que ce fût si simple -mais il y aurait peut-être quand même un complot!-, il avait ses deux phrases fétiches, « on va naviguer », et « on va rouler comme ça ».

 

    Alors, Michel, alors, Diane, pas maintenant, pas trop vite, pas tout de suite; tu me disais, Diane, « tu as une fille, il te reste 15 ans, 20 ans », alors pas tout de suite, mais à bientôt, on va rouler comme ça.

 

 

    Je vous remercie.

 

 

    Franz Quatreboeufs.

 

 

    * Faire-part du décès de Michel et Diane SENEZ-HIVET, "La Voix du Nord", 7 juillet 2011 : link

 

    * "La Voix du Nord" Seclin 7 juillet 2011 : "Drame du suicide : un ancien élu de Seclin et sa femme retrouvés morts dans le sud ": link

 

    * "Sud-Ouest", 24 juin 2011 : "Jamais l'un sans l'autre" : link

 

    * "La Dépêche", 35 juin 2011 : "Castelnau-d'Auzan. L'émotion est grande après le décès brutal d'un couple à son domicile" : link

 

    * Trois extraits vidéos des obsèques mis en ligne sur Dailymotion :

    - link

    - link

    - link

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